Publié le : 27/11/2021
Nous étions 4 invités par l'alliance CFE/UNSA Energies à participer à la Digital Youth Academy (l'académie numérique des jeunes) de l'Organisation Internationale du Travail. La promotion des 40 participants européens s'est penchée sur les sujets qui touchent les plus jeunes salariés et qui auront un impact grandissant dans la prochaine décennie.
Les principaux sujets furent :
Dans cette famille de contrat sont regroupés les contrats à temps partiel, les contrats d'auto-entrepreneurs, les contrats sans engagement de temps, les contrats d'intérimaires, les contrats 100% à distance. Cette typologie de contrat de travail combine le plus souvent, l'accentuation des inégalités, la pauvreté au travail, l'insécurité économique et la précarisation des emplois. En dehors des IEG la précarisation des emplois s'accélère. Une corrélation est faite entre les pays qui ont un faible taux de syndicalisation et un fort taux de contrat précaire.
Il est une nécessité pour que le syndicat ne disparaisse pas. Appuyé de statistiques l'ILO met en avant que le taux de syndicalisation soit d'une manière générale en baisse sur toutes les tranches d'Age. Expliqué par la faible confiance que les citoyens ont dans les syndicats. Les plus jeunes sont aussi les moins syndiqués et le plus exposés aux contrats atypiques. Les jeunes salariés ne connaissent souvent pas ou mal les syndicats et leurs missions/prérogatives. L'image "ringarde" et le coût parfois élevé des cotisations est mise en avant comme frein à l'adhésion. Il est aussi conseillé d'intégrer les plus jeunes adhérents dans les instances de décision du syndicat afin que leur avis et que les sujets les concernant soient considérés par le syndicat. En traitant les sujets qui les concernent le syndicat mettra en avant son utilité propre et permettra un rapprochement de valeur entre le potentiel adhérent et le syndicat.
Le chapitre portant sur la transition juste met en avant la nécessité d'un accompagnement des institutions gouvernementales et des entreprises dans la transition de leur industrie vers un mode de fonctionnement plus écologique. Il est nécessaire de donner de la vision dans le temps à ces industries en permettant d'identifier les besoins de compétences futures et les accompagnements nécessaires pour la formation des salariés. Il ne faut pas non plus que le "verdissement" des industries européennes se fasse avec la délocalisation de la pollution sur d'autres continents, avec laquelle la délocalisation des emplois. Le bouleversement climatique est un phénomène qui nous concerne et la réduction de la pollution à l'échelle mondiale doit être notre objectif devant celui de réduire celui de l’Europe. Autrement dit la réduction des émissions des gaz à effet de serre en Europe ne doit pas induire une augmentation de ces derniers dans les pays partenaires commerciaux de l'Europe.
Dans l'évolution des pratiques, l'une d'entre elles parfois sous-estimée, c'est l'impact des algorithmes sur les salariés. Au travers des instruments de mesure comme la localisation GPS, l'enregistrement de capture d'écran des ordinateurs et parfois des instruments plus sophistiqués destinés aux recrutements ne sont pas exempts de défauts. Au travers de plusieurs exemples concrets, ILO démontre les abus d'employeurs collectant des données personnelles sur leurs employés parfois à leur insu et utilisant ces dernières pour évaluer leur travail ou prendre des décisions sur leur licenciement. ILO met en avant qu'avec de mauvaises données d'entrée et les données ressorties par les algorithmes sont tout aussi mauvaises. Amazon a utilisé de 2014 à 2016 un algorithme qui s'est démontré biaiser dans ces critères de sélection et qui favorisait les hommes aux dépens des femmes. N'ayant pas réussi à corriger l'outil, Amazon a préféré l'abandonner. L'utilisation des algorithmes dans les administrations Anglaise s'est aussi montrée problématique et a eu un impact sur les populations les plus fragiles, tel que les salariés pauvres.
Les données qu'on utilise pour alimenter les algorithmes impliquent un droit les concernant, reconnu par l'Europe. Le droit sur les données permet aux salariés concernés, l'accès à celle-ci. La collecte de données au-delà d'un but clairement défini est un abus qui peut être puni par la loi. Il est de l'intérêt des salariés et des syndicats de s'intéresser aux données collectées auprès des salariés, de l'utilisation de ces données et des conséquences pour la situation des employés dans l'entreprise.
Internet est utilisé quotidiennement par 94% les jeunes européens. Le premier frein rencontré généralement par les syndicats est que la communication et le site internet sont souvent conçus par des personnes d'une tranche d’âge différente de celle qui est la cible de l'outil. Les jeunes utilisateurs veulent des sites simples, clairs avec peu d'animations, un design attrayant et fonctionnel. Ils préfèrent les textes courts ou le contenu visuel comme les infographies ou les vidéos. En France les réseaux sociaux sont utilisés par plus de 70% des 16-29 ans contre 40% du reste de la population adulte]. Les réseaux sociaux exposent leurs utilisateurs à des opinions semblables aux leurs, les syndicats doivent arriver à traverser ces chambres d'échos pour faire passer leur message bien qu'a l'intérieur de celles-ci les préjugés sont renforcés. Au travers de la description des différentes plateformes, ILO propose par exemple sur TikTok de ne pas essayer d'avoir un compte du syndicat mais de faire appel aux influenceurs pour faire passer le message du syndicat. Autre exemple, un support comme Instagram ne permet pas de diffuser des messages trop complexes mais nécessite un travail important sur l'aspect visuel qui devra comme sur Facebook être diffusé avec l'aide de publicités. D'une manière générale l'ILO recommande l'utilisation de publicité ou des partenariats avec des influenceurs. Sur LinkedIn la stratégie semble différente, la publicité étant plus chère et les contenus non spécifiques au site dévalorisé par l'algorithme de recommandation, il est proposé ici de faire appel à des ambassadeurs du syndicat.
Les erreurs principales à éviter sont :
Une méthode qui pourrait être explorée par la CFE est l'utilisation d'ambassadeurs internes déjà présents sur les réseaux sociaux. Encourager les ambassadeurs à publier des sujets en lien avec l'intérêt des salariés des IEG (le nucléaire, l'hydraulique, le gaz...) Puis ponctuellement, lorsque l'actualité si prête, préparer un sujet qui soit met en avant les actions de la CFE soit un appel à l'action (comme la signature d'une pétition pour la considération du nucléaire comme énergie décarbonée). Cette communication pourrait ensuite être relayée par les militants présents sur le même réseau. L'utilisation d'un intermédiaire auquel les salariés font confiance, permet une meilleure écoute du message.
Il est conseillé aux syndicats de se montrer plus humain et en mettant en avant un côté plus personnel des syndicalistes. Trois types de contenus sont distingués :
La vidéo est le format le plus prisé sur les réseaux sociaux. Le niveau d'attention des utilisateurs ayant baissé, il est recommandé de faire des vidéos de moins d'une minute. Sur YouTube il semble que la tolérance pour les vidéos plus longues soit plus grande. La fonction chapitrage permet aux utilisateurs d'aller directement à la partie de la vidéo qui les intéresse. L'authenticité est une qualité à laquelle les utilisateurs sont très sensibles. La vidéo en direct accroit la perception de la sincérité. Il est suggéré de montrer les coulisses de l'organisation. Cela pourrait se traduire par exemple par la diffusion en direct du retour d'un militant après la séance de négociation comme sur la classification de rémunération. Une brève vidéo de 30 secondes en dirait plus sur l'ambiance autour de la table de négociation et montrerait plus de proximité entre les militants et les salariés. Il est à noter aussi que les vidéos ont une meilleure visibilité sur les moteurs de recherche. Autres conseils sur les vidéos : utiliser un titre accrocheur, se servir de la description pour y mettre des mots-clés liés au thème de la vidéo, ajouter le sous-titrage, créer une miniature originale avec un graphique accrocheur. Une approche itérative sur l'optimisation des miniatures est expliquée par Derek Muller.
Si la CFE souhaite faire passer des messages longs et complexes, YouTube peut être un support adapté. Les podcasts vidéo de trois heures et plus sont courants, le plus célèbre est JRE qui sur les 1 700 épisodes la plupart longs de plusieurs heures, raccroche des utilisateurs au travers de courtes vidéos extraites d'épisodes beaucoup plus longs. Compte tenu du nombre de vidéos publiées chaque seconde, si l'on souhaite que les vidéos de la CFE soient vues, il faudrait y inclure des intervenants célèbres. Pour le CSE du CIH nous avons rémunéré Jean-Marc JANCOVICI pour un échange de deux heures avec les salariés et qui a fait 22k vues sur YouTube. Sans le nom de JANCOVICI la vidéo n'aurait pas fait mieux que les autres vidéos de la chaine, soit 100 vues. En comparaison la CCAS a réalisé une vidéo mieux produite et avec un intervenant de qualité sur Hercule, plus courte qui n'a fait que 7k vues, principalement car la chaine est aussi méconnue que l'invité. La démarche serait donc couteuse sur la durée, car il faut faire intervenir des personnes connues, souvent contre rémunération, mais elle permettrait de faire passer des messages plus complexes auprès d'un large public au-delà de nos entreprises.
La partie sur le dialogue social rappelle l'intérêt pour les salariés d'avoir une représentation à tous les niveaux pour défendre son travail et ses intérêts. Le dialogue se fait entre les représentants du personnel et l'employeur, ou les employeurs du secteur, ou le gouvernement national ou les instances de régulation au niveau international. Le lien est fait entre proportion de salariés couvert par une convention collective et proportion de salarié syndiqué. C'est un point pour lequel la France est un peu hors-jeu avec 94% des salariés couverts par une convention collective mais seulement 11% de salariés syndiqués. Une autre corrélation est faite entre la typologie des négociations collectives et le taux d'emploi dans les pays. Les syndicats doivent informer les jeunes générations de l'intérêt de se syndiquer.
Il est directement lié à l'avenir du travail. Ce dernier est bouleversé par des changements sur la manière d'en trouver, son organisation et comment il est réglementé. Les changements sont de plusieurs natures, la numérisation et l'automatisation de certaines tâches qui entraînent la disparition de certains emplois et en créer d'autres moindres en quantité et faisant appel à un savoir-faire et à des compétences différentes. La place des syndicats face au bouleversement engendré par l'externalisation et de s'assurer que les nouveaux postes voir les nouvelles entreprises ou filiales, offrent des conditions de travail de qualité à ses salariés. Or, bien que la dernière filiale EDF PAH (petits aménagements hydrauliques) soit sous le même statut que les salariés exploitants du reste des centrales hydroélectriques, ce sont les salariés de la filiale Hydrostadium qui réalisent la maîtrise d'œuvre pour les opérations de maintenance. Ces derniers ne bénéficient pas des mêmes conditions salariales que celles des salariés de la maison mère. L'avenir des syndicats passe donc par la présence dans les nouvelles entités et entreprises.
La démographie est aussi un bouleversement dans les entreprises et par implication dans les syndicats. La population vieillie et le ratio de dépendance (citoyen hors âge de travail/population en âge de travailler) augmente et devrait augmenter en Europe le plus fortement que sur les autres continents avec +25% d'ici 2050. En comparaison sur le continent Africain et sur la même période, le ratio va diminuer de 18%. Le nombre de retraités va augmenter et le syndicat peut les accompagner particulièrement dans un contexte comme en France ou la retraite par répartition est attaquée au travers de tentatives de réformes.
La mondialisation passe par la libre circulation des capitaux, des biens et des services ainsi que des personnes. Il a été rendu très facile aux entreprises de délocaliser tout ou partie de leur production ou de leur service dans des pays à moindre coût et offrant moins de protections pour les salariés. Cette situation est particulièrement difficile pour les travailleurs peu ou moyennement qualifiés dans les pays développés, qui sont confrontés à une concurrence déloyale au niveau mondial et risquent de perdre leur emploi.
La décarbonisation est un tournant historique. Depuis 200 ans les activités humaines ont fait fi de leurs rejets dans l'atmosphère des gaz à effet de serre, depuis peu, sous des impulsions de plus en plus fortes, des pans entiers de l'industrie font évoluer leur processus de fabrication. La place des syndicats est de veiller à ce que les activités les plus polluantes ne soient pas juste délocalisées dans des pays à la réglementation environnementale plus légère mais que les industries transforment en profondeur les processus et que là où des emplois seraient détruits, que les opportunités de création d'emplois soient elles aussi localisées au plus proche des zones impactées par la décarbonisation des industries. Car la désindustrialisation est aussi notée par ILO comme une des principales sources de pertes des effectifs des syndicats à l'échelle de l'Europe (principalement en Europe centrale entre 2000 et 2008). Il est aussi nécessaire que les syndicats fassent prendre conscience aux gouvernements de la nécessité de règle de concurrence adéquate à l'international pour nos entreprises locales, au travers d'un cadre législatif commun sur l'aspect environnemental et d'un socle fiscal avec les pays avec qui nous commerçons.
Un autre facteur identifié dans la perte du nombre de syndiqués est que les départs en retraite ne sont pas compensés par l'adhésion des jeunes salariés. L'une des manières avancées pour attirer les jeunes salariés et d'améliorer l'image des syndicats dans la société et de développer des coopérations avec d'autres parties prenantes. Il est ainsi suggéré d'informer et recruter les adhérents avant même leur arrivée sur le marché du travail en intervenant auprès d'écoles ou d'universités ou auprès des alternants et stagiaires dans l'entreprise. Dans le contexte d'une relance du nucléaire en France, plus de 200 embauches sont prévues au niveau de l'ingénierie du nouveau nucléaire en 2022. C'est une opportunité pour expérimenter une nouvelle approche d'adhésion auprès d'étudiants. Un autre vecteur est de prouver que les syndicats sont utiles, nécessaires et capables d'apporter un impact positif aux salariés. Cela peut se faire en communiquant sur les petites victoires. Dans le contexte des IEG, le projet Herculéen de découpe de l'entreprise EDF a été évité par la mobilisation des salariés sous l'impulsion des syndicats. Le lobbying mené par nos représentants aux affaires publiques a permis la considération de l'hydroélectricité dans la taxonomie européenne. Les victoires ne sont jamais définitives, mais il convient de savoir communiquer pour rappeler aux salariés que les syndicats sont utiles.
En savoir plus sur l'événement : l'université (ITCILO : International Training Centre of the International Labor Organizations) est coorganisée par Industri'All, un syndicat représentant 50 millions de salariés provenant de 140 pays et auquel la CFE Energies est affiliée. Les participants ont pour la plus grande partie, moins de 35 ans. Ils viennent du continent européen (Italie, Pologne, Allemagne, Portugal, Turquie...). Les formations et les interventions (y-c celles en direct) ont été traduites dans les 6 principales langues des participants (CZ, DE, EN, FR, IT, TR) Le cursus alternait entre séquences d'e-learning et ateliers collaboratifs. Il s'est terminé sur une double journée mixte (distancielle/présentielle) à Varsovie les 7 et 8 décembre 2021. Les représentants de l'Alliance CFE UNSA Energies à cette formation sont : Bérénice DERUNES (ENEDIS), Romain DARGENT (EDF DPN), Rachida LUKAU (RTE) et Julien HOUSSIN (EDF Hydro).